Une fois posée ma palette, après un long moment d’écoute environné de solitude et d’attente, je vois vivre sur le papier mouillé l’étrange alchimie des couleurs, je vois naître des ciels, des terres, des paysages nonpareils. Et à partir de toutes ces formes, pourquoi s’interdire de dessiner des présences, des corps, des visages, des personnages inventés à la fois oiseaux et visiteurs fantaisistes de l’ombre? Et me voici en train de peindre des cent pieds cent plumes, des sans pieds sous plumes, des porte-plume sans pieds et autres apparitions fantasmagoriques. Me vint alors à la mémoire l’expression « deux pieds sans plumes » colligée dans mon dictionnaire et désignant nos congénères et semblables. Et c’est ainsi que je mis en chantier un projet que je nommerais mon « carnet de gens », carnet où vivraient des gens croisés au fil des jours et de mes longues promenades dans le monde d’alentour. Et pourquoi, dans mon livre, ne passeraient-ils pas, tous ces êtres vus, entendus, imaginés au cours de ma vie récente? Oui, ils existent, ces gens que ma solitude me permet de voir. P. M. Ce regard du poète-ornithologue, qui faisait tout le prix de ses Histoires naturelles du Nouveau-Monde, Pierre Morency le tourne ici vers le genre humain. Il en résulte un livre inattendu et inclassable. Un livre de profonde sagesse où s’invitent pourtant drôlerie et impertinence. Un livre où nous tous bipèdes qui foulons cette terre de nos deux pieds nous retrouvons croqués avec tous nos travers, mais également notre inépuisable humanité.
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