Esprit de corps montre comment l'armée de réserve forme des sapeurs, c'est-à-dire des ingénieurs de combat, pour faire la guerre et rien que la guerre. Esprit de corps raconte quatorze semaines d'entraînement intensif sur la base militaire de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, et suit pas à pas le quotidien d'un cours de recrue. Ces sapeurs, c'est-à-dire ces ingénieurs de combat, l'auteur les dessine en quelques traits avec une vivacité incroyable : il y a le premier de cours, fort et sain, qui sait se faire aimer sans effort ; il y a la grande conteuse charismatique ; il y a l'idéaliste qui perdra ses illusions en découvrant l'incurie de tous ; il y a le culturiste, esthète métrosexuel qui compte chaque gramme de sucre qu'il ingère ; il y a le bully ; il y a l'influençable qui deviendra la marionnette du bully ; il y a le bouc émissaire, par ailleurs un véritable taré, malodorant, lâche et stupide - si stupide qu'on a du mal à y croire, et pourtant. Il y a leurs supérieurs : un sergent tout droit sorti de Full Metal Jacket, que tous craignent mais parfois provoquent pour le seul plaisir d'assister au spectacle de sa colère ; un adjudant revenu de tout, qui a gagné le droit d'aimer les oiseaux et de parler avec douceur ; un élève-officier aux ongles propres dont nul ne reconnaît l'autorité... Hors norme, idiot et brillant, Esprit de corps est tout à la fois un roman comique, un portrait de groupe et le récit d'un rite de passage. Il rend avec un brio communicatif le jargon de l'armée et le bagou immature d'un groupe de recrues et donne lieu à une sorte de théâtre où s'affrontent endoctrinement et rébellion, idéalisme et désillusion. Ni une charge contre l'armée ni un roman militariste, ce premier roman de Jean-François Vaillancourt s'attache aux corps et à la parole, et cherche à saisir ce qui apparaît dans un groupe quand on vit ensemble une expérience viscérale et transformatrice.
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